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Les femmes investissant dans les cryptomonnaies adoptent une gestion prudente.(Photo : pexels)

La dernière version du « Retail Investor Beat » de la plateforme eToro révèle que les femmes investissent de plus en plus dans les monnaies virtuelles. La part des investisseuses misant sur les cryptos est passé de 36 à 39 % entre le troisième et le quatrième trimestre de l’année 2022. Les Bitcoins et autres Solana sont la deuxième classe d’actifs la plus détenue par les femmes après l’argent liquide. Et au Grand-Duché, qu’en est-il ? Ecorama Luxembourg a interrogé quatre femmes, d’âges et de profils différents. Autant d’expériences et de points de vue sur un investissement qui a encore mauvaise presse.

« Mon aventure crypto a commencé en septembre 2021 », confie Léa Gobert. La résidente française de 32 ans raconte que son petit-frère, qui avait investi depuis près de 7 mois dans les monnaies virtuelles, lui avait offert un Ledger (une sorte de clé qui permet de stocker sa monnaie virtuelle hors ligne) « en cadeau pré-Noël ». A l’époque, « je ne savais pas que c’était » ni « à quoi ça servait, on a pas mal discuté de cela », dit-elle. Quelques semaines après, elle se lance dans l’achat d’Ethereum et de Bitcoins. Au moment où elle l’a fait, Léa était dans une optique de diversification. « J’avais déjà quelques biens immobiliers. Au lieu de laisser l’argent dormir à la banque », elle voulait l’investir intelligemment sur une « technologie de demain ». Pour elle, l’avenir des transactions financières, de l’échange de valeurs sera « en bonne partie, en tout cas » sur la blockchain. « C’est très prometteur. Je prends part à une évolution technologique. D’un point de vue personnel, c’est très excitant », affirme-t-elle.

Léa a adopté une stratégie « HODL ». Comprenez : un investissement à long terme. De la prudence donc, pas de risques inutiles. « J’en rachète dès que ça baisse », ajoute-t-elle. Se positionnant pour une régulation afin d’« éviter les scams (cyber-arnaques ) », elle pense que mettre ses billes dans les monnaies impalpables peut « fortement contribuer » à l’indépendance financière des femmes. « S’il y a une vraie connaissance du sujet », les cryptomonnaies peuvent être plus intéressantes que les placements traditionnels. « Plus les femmes investissent dans ce type de cryptos, plus cela peut promouvoir la diversité et l’inclusion », souligne-t-elle. En sachant que ce milieu et celui de la FinTech est très masculin.

Outre le fait d’avoir été initiée par son petit-frère, la jeune femme qui travaille dans le domaine du marketing a lu « des livres intéressants » sur le sujet. L’éducation est la clé pour comprendre le fonctionnement d’une monnaie encore mal connue. Bâtir une communauté de femmes dans l’espace crypto est, selon Léa, « un très bon moyen de libérer la parole ». Créer une communauté de confiance aussi ouverte aux hommes permettrait d’avoir « plus de légitimité dans la sphère masculine ».

Attention à la variation des cours

Figure incontournable dans le paysage IT au Luxembourg, Marina Andrieu, co-fondatrice et directrice de l’initiative Women in Digital Empowerment (WIDE) avait déjà fait une première tentative d’investissement il y a quelques années. Finalement, c’est en 2022 qu’elle a réussi. Après avoir passé le cap de la « due diligence », elle a commencé par acheter de l’Ethereum « en me fixant un prix psychologique de 1.500 euros par Ether. J’ai attendu que ça descende sous ce chiffre », annonce-t-elle. « A chaque fois que je me suis fixé un prix, j’ai acheté à celui que j’ai visé ». Ayant « beaucoup suivi les fluctuations du marché », Marina a investi sur deux plateformes avec une application mobile. Elle dit avoir atteint ses objectifs d’investissement. Aujourd’hui, elle possède toujours ses Ether qui ont pris 20 % sur un an. « Ce qui est supérieur à la bourse et au livret d’épargne », remarque-t-elle.

Sa leçon d’investisseuse ? Ne pas se laisser happer par les variations des cours. D’après elle, les cryptomonnaies sont une manière de diversifier ses investissements. « Cela permet de s’éduquer à prendre des risques dans une proportion modérée ». Compter là-dessus pour en faire une source de revenus complémentaire ou arrêter de travailler n’est pas une option sûre. De la monnaie virtuelle dans sa stratégie d’investissement oui. Mais à petite dose.

De son côté, Thuy Gattaux, alias ArtT’huy, est venue « naturellement » aux cryptomonnaies. Avant de se lancer, l’artiste-peintre de 40 ans, entendait beaucoup parler des NFT. Elle a même écrit un article sur le sujet qui a été publié sur son blog. Elle y a partagé son expérience mêlant l’art et les jetons non-fongibles. « A partir d’un tableau, j’ai créé un NFT. J’ai expliqué pour comprendre le processus. A partir de là, j’ai été contactée par une grande entreprise au Grand-Duché qui m’a demandé de participer à une action solidaire pour l’association ukrainienne du Luxembourg. Ils voulaient organiser une vente aux enchères d’une œuvre physique et de son NFT », se souvient-elle. Par hasard, « ils ont trouvé une œuvre aux couleurs de l’Ukraine dans ma galerie ». En trois jours, l’artiste a créé le jeton non-fongible sur la fameuse plateforme OpenSea. C’est aussi le temps qu’elle a eu pour se constituer son porte-feuille. « Je me suis renseignée sur le Net. Quelqu’un m’a parlé d’OpenSea et je me suis lancée », raconte-elle.

« Si c’est imposé, les femmes le feront »

Comme les autres femmes interrogées dans cet article, elle a investi dans l’Ethereum. « Ce que j’ai trouvé épatant dans la blockchain, c’est de voir les transactions », dit-elle. Grâce à cette « belle expérience », elle a compris davantage la création des NFT et des cryptomonnaies. Bien sûr, ArtT’huy a eu d’autres monnaies dans son wallet mais les a revendues depuis. Cette expérience lui a aussi donné la possibilité de monter sa galerie virtuelle. Aujourd’hui, elle en a même deux ! Si elle a misé sur l’Ether, c’est parce qu’elle n’avait pas confiance dans le Bitcoin.

Elle soutient avoir eu une opportunité pour investir et de « vivre une expérience dans le monde où l’on est ». Etre active dans le monde de la crypto est, d’une certaine manière, une façon d’entrer dans le Metaverse. ArtT’huy pense que les femmes ne prennent pas de risques. « Si c’est imposé par un gouvernement alors elles le feront ». Car s’il n’y a pas d’alternative, « on n’a pas le choix ». On y va. L’artiste est favorable à la création d’une communauté de femmes dans l’espace crypto. « Si c’est quelque chose qui nous lie (comme l’art par exemple), ça peut aller loin ». Elle conseille à celles qui hésitent encore à se lancer qu’elles ne sont pas obligées de mettre une grosse somme. Sur la question de l’éducation, « il faut qu’on en sache autant que les hommes. On doit avoir un minimum d’information pour prendre des responsabilités . On a autant les compétences qu’un homme » pour investir.

Sarah E.T a commencé à investir en 2011. L’américaine âgée de 30 ans qui est arrivée au Luxembourg l’année dernière a d’abord commencé avec le Bitcoin. Puis, elle s’est tournée vers le Dodge Coin (elle a d’ailleurs participé à la fête de lancement) et un peu plus tard dans l’Ethereum « car le fondateur Vitalic est venu sur mon lieu de travail », pointe-t-elle. Elle a investi dans beaucoup de monnaies virtuelles mais ne les a jamais gardées très longtemps. Son aventure crypto s’est arrêtée en 2019. « Je voulais diversifier mon portefeuille. De ce fait, j’ai vendu une quantité importante de mes cryptomonnaies, j’ai pris mon argent et j’ai rejoint le marché boursier. J’ai découvert que sur celui-ci, je suis plus à même de faire la due diligence. Je peux trouver des informations », formule-t-elle. Elle ajoute : « quand je regarde les crypto-monnaies, je vois maintenant que le prix est trop élevé » pour investir par rapport à ce qu’elle avait observé à l’époque.

Une communauté ouverte d’esprit

Lorsqu’elle était plus jeune, elle fréquentait beaucoup les forums de jeux vidéos. C’est en lisant des commentaires dans les discussions qu’elle a acquis des connaissances sur le sujet. Elle nous confie avoir appris en échangeant avec d’autres personnes sur Internet Chat Relay (IRC). Sarah assure que la communauté crypto est « très désireuse de partager les informations dont elle dispose ».

Selon la jeune femme, les membres n’aspirent à « répandre l’idée de la cryptomonnaie. Peu importe d’où vous venez, quel est votre sexe, ils veulent vous parler de la crypto », pointe-t-elle. « Je pense que les femmes peuvent trouver des opportunités financières dans la crypto car la communauté est extrêmement enthousiaste ». Le fait que les femmes investissent de plus en plus dans les monnaies digitales est, d’après Sarah, une bonne chose. « Je pense que quand vous investissez dedans et que vous rejoignez la communauté », on en fait vraiment partie.

Christelle, 39 ans, travaille dans le secteur financier. Elle a suivi son mari qui investissait déjà dans les cryptomonnaies. « On a échangé sur beaucoup de choses. J’ai trouvé cela extrêmement intéressant. La technologie et le côté décentralisé m’ont plu. Pour moi, c’est le fait de reprendre la possession de son argent », résume-t-elle. A l’instar des autres personnes sollicitées, elle a acheté du Bitcoin et de l’Ethereum. Elle a aussi du Matic, du Mana et du Sand (des plateformes Sandbox et Decentraland). Des tokens liés à des Metaverses.

Avoir la liberté d’investir

Pour investir, elle n’a pas fait dans la demi-mesure. « On a mis 10 ans d’économie », nous souffle-t-elle sans révéler le montant exacte. Avant de se lancer, elle a envoyé son mari en éclaireur  «pendant 6 mois ». Il s’est d’abord renseigné sur les plateformes d’échange ». Christelle a fait ce qu’on appelle dans le milieu le « Do Your Own Research » (DYOR). Cela lui a tellement plu qu’elle a passé une certification d’experte crypto.

Contrairement aux autres interviewées, elle ne met pas la question de l’indépendance financière sous l’aspect du genre. « Les femmes doivent avoir leur indépendance », articule-t-elle. Très critique vis-à-vis de la réglementation MiFid, elle pense qui si elle a envie de se tromper dans son investissement, elle doit avoir le droit de le faire. « Je n’aime pas le côté paternaliste du banquier », exprime-t-elle. « C’est mon argent, j’ai travaillé pour, j’en fais ce que je veux ». Féministe, Christelle est en faveur d’une communauté crypto «  de passionnés » réunissant les femmes et les hommes. Elle pense également que « les femmes s’intéressent pas trop aux investissements ». C’est encore « une discipline » masculine. Cela reste aussi « quelque chose de nouveau » et de controversé. Avec un cliché qui lui colle à la peau : la monnaie qui finance du terrorisme.

L’info en plus

 « Nous devons continuer les efforts entrepris pour encourager les jeunes, notamment les filles à s’intéresser aux STEM’s »

Ecorama Luxembourg a posé quelques questions sur le sujet à Emilie Allaert, Head of Luxembourg Blockchain Lab. Voici ses réponses.

Au niveau mondial, les femmes investissent de plus en plus dans les monnaies virtuelles. C’est encourageant selon Emilie Allaert, Head of Luxembourg Blockchain Lab. Cependant, « il faut s’assurer de l’éducation des individus car cela comporte des risques, comme tout investissement et les sources d’information ne sont pas toujours objectives. Le travail d’éducation continue sur les investissements traditionnels et beaucoup d’investissent pas de la meilleure façon », dit-elle. Le fait que les femmes investissent dans l’Ether et adoptent une gestion prudente ne l’a surprend pas. L’Ethereum est « plus abordable » de par sa valeur (1.500 euros l’unité). Le Bitcoin a peut être tendance à faire peur. Sa valorisation est plus importante. Il est très volatile et perçu comme une cryptomonnaie de spéculation.

En règle générale, peu de personnes investissent dans les cryptos au Luxembourg, d’après Emilie Allaert. C’est encore un investissement qui fait peur pour certaines personnes car il manque de clarification au niveau législatif et réglementaire. Surtout, il faut des connaissances avant de se lancer. Afin de favoriser ce type d’investissement, « il faudrait faire des workshops dédiés pour aider et favoriser les premiers pas, donner les clés pour une due diligence des investissements virtuels et accompagner potentiellement les premières transactions », suggère-t-elle.

Elle pense que les monnaies virtuelles seules ne peuvent pas aider les femmes à atteindre l’indépendance financière. « Comme dans tout investissement, une diversification est nécessaire et peut donc faire partie d’une stratégie globale ». La volatilité est importante, le milieu est encore jeune et évoluera pour atteindre sa maturité dans quelques années. « On pourrait imaginer des cours dédiés pour démystifier l’investissement et donner les clés », déclare-t-elle. Beaucoup de femmes sont actives dans le domaine du Web3. Un grand nombre d’initiatives, de groupes se sont établis « et je pense que c’est lié au mouvement de ce nouveau web qui veut casser les codes existants. Cet affranchissement fait que les femmes se sont libérées et osent plus », rapporte-t-elle.  « Nous devons continuer les efforts entrepris pour encourager les jeunes, notamment les filles à s’intéresser aux STEM’s et à les étudier mais il faut éviter de mettre la pression, ce qui serait contre-productif ».

Voir l’article sur Ecorama

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